L’année 1994, douze mois incroyables. Une console mythique arrive, une autre se retire, des aliens, un ver de terre, Samus Aran ou encore de la baston et du massacre de monstres venus des enfers sur la planète Mars, il y a eu de quoi faire, cette année-là, en terme de jeux vidéo.
Remise en contexte de l’année 1994, pour mieux vous imprégner de l’ambiance de l’époque. Nous étions encore aux Francs, loin de l’Euro et de ses conversions hasardeuses. Le Brésil bat l’Italie aux pénos dans une finale de Coupe du monde triste à souhait, Kurt Cobain est suicidé par Courtney Love, sûrement à cause de la naissance de Justin Bieber un mois plus tôt. Côté salles obscures, on se régale devant Forrest Gump, Pulp Fiction, Léon ou Le Roi Lion. Du côté musique, IAM fait danser le Mia, It’s alright pour East 17, Rammstein se forme à Berlin et les Cranberries sortent Zombie. Sur le petit écran, Friends démarre en septembre.
L’année de la cartouche
Ca, c'est l'emblème d'une année et d'une génération.
Le 5 janvier, lors du CES à Las Vegas,
Nintendo proclame 1994 comme étant l’année de la cartouche. Une annonce pompeuse mais plutôt logique, les experts prévoient que 112 millions de cartouches devraient s’écouler dans l’année. Après tout, de gros jeux sont annoncés:
Sonic 3,
Final Fantasy VI,
Super Metroid,
Darkstalkers ou encore
Earthworm Jim. Toutefois, avec le recul, l’année 1994 fut plutôt celle du
PC ou même de la
PlayStation. La console de
Sony sort le 3 décembre au Japon avec quelques jeux mémorables dès les premiers mois, comme
Air Combat,
Ridge Racer ou
Rayman. En onze ans d’existence, la
PlayStation,
PSX ou PSone s’est vendue à plus de 100 millions d’exemplaires dans le monde et aura marqué l’histoire du jeu vidéo, le popularisant davantage. Sa manette, parfaitement ergonomique avec les sticks analogiques, ses cartes mémoires, sa séquence de démarrage, tous ses aspects n’ont pas pris une ride dans la mémoire collective. Le succès retentissant de la console s’explique également par une quantité de jeux astronomique et pas des moindres:
Metal Gear Solid,
GTA,
Final Fantasy VII,
Gran Turismo,
Tomb Raider ou encore
Broken Sword.
Il existe même un fort lien entre
Nintendo et
Sony. Dans les années 80, Nintendo s’allie à Sony pour développer un module CD-Rom pour la
NES, baptisé SNES-CD. En 1989, tout était dans les tuyaux et sur le point d’être annoncé pendant le CES de juin lorsque Hiroshi Yamauchi, le président de
Nintendo de l’époque, lut le contrat original entre Big N et Sony et vit qu’il accordait à
Sony la possession de tous les jeux sur le format SNES-CD.
Sony supprime l’espace entre Play et Station et devient maître de son destin
Furieux, il annula le deal avec Sony et se rapprocha de
Philips pour finaliser leur projet, en gardant le pouvoir sur ses licences sur les machines fabriquées par Philips. L’annonce fut l’effet d’une bombe dans le milieu, imaginez: une compagnie japonaise trahit une autre compagnie japonaise qui se rapproche finalement d’un fabricant européen. Par la suite,
Nintendo voulut poursuivre
Sony pour rupture de contrat et tenta d’interdire le nom Play Station, Big N prétendant posséder les droits du nom. Un accord fut trouvé en 1992 pour que la
PlayStation accueille une connectique
SNES mais Nintendo en garderait les droits sur les jeux. Sony rejeta cet accord, la technologie
SNES commençant à accuser le poids des années, retira l’idée du port SNES, l’espace entre Play et Station pour finalement être maître de son destin et de sa console. Un choix judicieux, assurément.
Sega entre échec et succès
La Lynx, dont le succès a été brisé par le fait que c'était à chier.
Toujours côté consoles, Aiwa sort la Aiwa Mega-CD au Japon uniquement (un lecteur CD qui lit aussi des jeux),
Bandai arrive avec sa
Playdia, console colorée et orientée éducatif,
NEC nous sort le
PC-FX, successeur du
PC-Engine, vendu à seulement 400 000 unités.
SNK sort la
Neo Geo CD, qui se sera vendu à 570 000 exemplaires en 3 ans.
Atari se rend à l’évidence et arrête les frais de la
Lynx en stoppant sa production. Vendue à 3 millions d’unités dans le monde, la console portable peine à tenir la concurrence du monstrueux
Game Boy avec un faible catalogue de jeux, autant niveau quantité que qualité. De son côté, SEGA n’a pas chômé avec la
Sega 32X, un four vendu à seulement 650 000 unités et la
Sega Nomad, version portable de la
Mega Drive, sortie uniquement sur le territoire nord-américain. Plus puissante que la
Game Boy, la Nomad sera un échec commercial, à cause de sa faible autonomie, son poids et son prix de 180$. Sega en aura écoulé 1 million, tout de même.
Earthworm Jim, les exploits d'un ver solitaire, dans un monde dangereux.
En novembre, Sega sort au Japon la
Saturn, fer de lance de l’avenir de la firme japonaise, étudiée pour parfaitement concurrencer
Sony et sa
PlayStation. Avec cette console, trop ambitieuse,
Sega s’est compliqué la tâche et a passé son temps à lutter contre l’architecture complexe de la
Saturn, tout en développant parallèlement la
32X pour finalement l’abandonner. Le lancement fut prometteur, grâce à
Virtua Fighter, jeu ultra populaire dans les salles
d’arcade et vendu avec la console. La
Saturn se vend même mieux que la
PlayStation au Japon lors du lancement de cette dernière. Fin 1995, un après la sortie des deux consoles, la Saturn s’est vendue à 500 000 exemplaires contre 300 000 pour la PlayStation. Toutefois, grâce à un meilleur taux de vente et des faibles frais de licence pour les développeurs, la
PlayStation atteint six mois plus tard le million d’unités écoulées. En dehors du Japon, la
Saturn n’arrivera pas à concurrencer la PlayStation, la faute à un
Virtua Fighter peu populaire en Occident et des comparaisons qui ne tiennent pas la route. Par exemple,
Daytona USA reçoit de mauvaises critiques tandis que son rival
Ridge Racer est salué pour sa réussite. Malgré une baisse de prix, la sortie de
Virtua Cop et
Virtua Fighter 2, la
Saturn ne parvient pas à renverser la vapeur et finit même par vendre sa console à perte en s’alignant sur la baisse de prix de la
PlayStation. Petit à petit, les constructeurs ne soutiennent plus la Saturn dont la production sera arrêtée en 1998 en Europe et 2000 au Japon, pour laisser la place à la
Dreamcast.
Des gros jeux
1994 ce sont des FPS mais aussi beaucoup de jeux de stratégie, comme UFO: Enemy Unknown.
Nous avons déjà cité quelques hits de l’année 1994 plus haut. Commençons par les consoles à cartouches. L’immense
Super Metroid sort sur
SNES le 19 mars, il reste à ce jour l’un des meilleurs jeux d’action
2D jamais réalisé. Sur la même console sortent l’excellent
Final Fantasy VI et le non moins bon
Donkey Kong Country. Côté
Sega,
Sonic 3 débarque en février avec son acolyte Knuckles, suivi en octobre de
Sonic & Knuckles, le jeu permettant de refaire chaque Sonic précédent avec Knuckles. Les
salles d’arcade ne sont pas en reste avec des jeux mythiques tels
The King of Fighters,
Super Street Fighter II Turbo,
Point Blank et
Tekken. De la baston 2D, de la baston
3D, finalement tout se mélange en 1994, sorte d’année de transition un peu hybride de toutes les plates-formes et technologies.
Shiny Entertainment, studio de
David Perry se fait un nom avec
Earthworm Jim, un jeu décalé mêlant
run and gun et plateforme qui sera salué par la critique. Incarner un ver dans sa combinaison de cosmonaute qui lui est tombée dessus par hasard, car au départ destinée à Reine Limace-pour-Derrière.
2D et 3D, tout se mélange en 1994, sorte d’année de transition
Un dessin animé mettant en scène notre ver de terre aura même vu le jour en France.
Les joueurs
PC ne sont pas oubliés:
MicroProse sort
Master of Magic,
4X dans la lignée de
Civilization et
Masters of Orion, plutôt bien reçu bien que trop souvent comparé à
Civilization. A ce jour, aucun 4X orienté
Heroic Fantasy n’a pu faire mieux. Après Master of Magic, MicroProse envoie
UFO: Enemy Unknown, certainement le meilleur jeu de gestion et de stratégie au tour par tour jamais créé. Ses deux suites directes ainsi que ses remakes récents font honneur au genre et permettent de ne pas oublier le tour par tour. Parce que bon, l’action, le
FPS, ça va 5 minutes, mais quand il faut réfléchir et planifier, il n’y a plus grand monde. Restons dans la stratégie, mais cette fois en temps réel avec
Warcraft, imaginé et développé par Silicon & Synapse, tout juste renommé
Blizzard Entertainment. Le conflit Orcs contre Humains sera réutilisé dans des suites, dans des
MMO et même au cinéma…
Marathon, FPS uniquement sorti sur Mac.
Sur PC, quelques jeunes studios dévoilent plusieurs de leurs créations.
Bungie, bien avant Destiny, Halo et
Myth se fait connaître avec
Marathon, un
FPS sorti uniquement sur
Macintosh. Le joueur est en 2794 à bord d‘un vaisseau spatial humain colonial nommé Marathon qui est envahi par les Pfhor, des extraterrestres. Il doit alors éliminer toute opposition pour évoluer dans le vaisseau et reprendre son contrôle. Tout ça n’est pas sans rappeler
Doom, transition parfaite pour évoquer
Doom II, suite parfaite car plus intense, plus longue que le premier opus. Merci
id Software. En 1994, le développeur a aidé
Raven Software, un autre nouveau studio à émerger avec
Heretic, un bon
doom-like, tournant sous le moteur de Doom et produit par un certain
John Romero. Raven connaîtra ses grandes heures autour de 2000 avec de bonnes adaptations de l’univers
Star Wars (Jedi Knight),
Heretic II et surtout Soldier of Fortune, sans doute l’un des
FPS les plus jouissifs. Désormais, le studio travaille pour
Activision sur les
DLC et le multijoueur de chaque Call of Duty depuis 2010. C’est sans ambition, sans originalité mais ça rapporte et permet à
Raven de remplir le frigo. Terminons le tour des jeunes studios avec
Looking Glass, fondé en 1990 et qui va nous régaler durant cette décennie avec
System Shock,
Terra Nova,
Thief,
System Shock 2. Le premier sort donc en 1994 et pose les bases du
FPS plus réfléchi, dans un univers futuriste et réaliste, qui inspirera par la suite Deus Ex et BioShock. Cette approche, on la doit à
Warren Spector, un touche à tout talentueux, connu pour
Wing Commander et Deus Ex. Toujours sur PC, Sierra sort
King’s Quest VII, nouvelle itération de sa saga d’aventure bien réalisée. De son côté
Will Wright nous apporte
SimCity 2000, suite du très populaire
SimCity qui l’a révélé au grand public.
Entre la
PlayStation et la
Saturn, le jeu vidéo a vu le CD se populariser, même si 65% des ventes de l’année se sont faites sur cartouches, démontrant que la
Mega Drive et surtout la
SNES ont de beaux restes. La
Lynx s’en va sans bruit et on retient surtout les excellents jeux de l’année,
Super Metroid,
Earthworm Jim ou encore
Doom II.
- Mal écrit le 21/03/2017 à 18h13 par Robin Masters.